Empanadas

la pirouette inespérée

Non, non, ne sautez pas de joie… Je ne vais pas poster la première recette de Chez Food. Elle viendra cette recette, probablement, un jour… ou pas… Mais aujourd’hui je veux vous parler d’une petite aventure qui m’est arrivée.

Hier, le soleil battait son plein sur Paris. Cet événement se faisant rare, les jeunes filles s’empressèrent de raccourcir leurs jupes et accoururent accompagnées de leurs blanc-becs autour du point d’eau le plus proche; la Seine, le Canal St. Martin, la fontaine St. Michel et même certaines fontaines Wallace… Toute cette énergie solaire me fit penser au Mexique, et comme une pensée dérive souvent vers une envie, j’ai décidé de cuisiner des empanadas.

Je vous vois venir Messieurs Pinailleur et Cépapourdire, avec vos grandes enjambées encyclopédiques, les empanadas sont originaires de Galice et du Portugal. C’est vrai, mais si depuis Freud on a le droit de rêver d’un chapeau pour ne pas rêver d’un chibre, alors vous m’accorderez le droit de penser au Mexique et de glisser naturellement vers les empanadas qui, si elles n’en sont pas originaires, s’y dégustent quotidiennement. Et puis quitte à ne pas faire dans le traditionnel, j’ai décidé de farcir les miennes d’un reste de bœuf bourguignon mixé que j’avais dans le congélateur…

Je commence donc à faire une pâte, farine, beurre, tout ça… j’étale comme je peux et je la découpe en cercles. Je garnie chaque portion d’une bonne cuillère à soupe de farce, la ferme, la badigeonne d’un peu de jaune d’œuf et d’eau et hop, dans le four à 180°C.

Pour accompagner, j’ai improvisé une salade à base de mâche, de roquette, tomates et poivrons, le tout sous une vinaigrette citronnée (du citron vert aurait fait plus mexicain, mais je n’en avais pas sous la main).

Le soir arrive, Mme. Tilash s’attable en se léchant les babines, je lui sers fièrement les deux seules empanadas qui n’ont pas éclatées au four, un peu de salade, et on attaque.

Un verre d’eau… deux verres d’eau… trois verres d’eau…

Rien n’y fait, mes empanadas étaient décidément trop sèches. Cuites à point, la pâte était trop épaisse et pas assez salée, la farce trop discrète et pas assez salée, le tout un bon étouffe-chrétien dans les règles de l’art.

Je vous passe la tragédie, les pleurs, les cris, le désespoir, les injures envers ce pauvre pays qu’est le Mexique et qui n’a même pas inventé les empanadas… La nuit fut longue, je rêvais d’une femme qui venait vers moi avec un énorme chapeau en forme d’empanada, elle me demandait ce qu’elle avait sur la tête mais, pensant à Freud, je n’osais lui répondre.

Aujourd’hui il a fait froid et moche. Le Mexique était plus loin que jamais. La journée passa sans tralala, et le soir est arrivé. L’heure du dîner. Que faire avec ces deux bouchées farineuses restantes qui me regardent du coin de l’œil en pompant toute l’humidité de mon frigo ? On retrousse ses manches, on craque ses doigts, on respire un bon coup et on improvise à nouveau !

J’ai donc remis les deux empanadas sur une plaque, je les ai recouvertes d’un peu de farce supplémentaire, d’une fine tranche de Queso Manchego (fromage espagnol), et je les ai passées au four avec une tomate Noire de Crimée coupée en tranches épaisses et salée. La double portion de farce lui rendit tout son mérite, un bon goût riche de bœuf mijoté dans du vin pendant des heures, la tomate juteuse et pleine d’umami amplifiait la saveur de la viande et le fromage apportait une touche subtile de rondeur. Je me suis régalé.

J’aime cette façon qu’à la cuisine de nous retourner, de nous forcer à se creuser les méninges pour finalement se révéler simplement. C’est aussi parce qu’on rate des plats que ceux qu’on réussit sont si bons.