Le marché aux poissons Noryangjin (노량진)
du très cru et du trop cuit
Des fruits de mer à perte de vue, des coquillages, crustacés et mollusques tout droit sortis de films de science-fiction ; Noryangjin est l’un des plus gros marchés de la mer de Corée du Sud, et bien qu’il s’adresse principalement aux restaurateurs, il est possible de venir y acheter un poulpe vivant ou une moule géante à emporter nonchalamment dans son sac à dos.
Mais la particularité de ce marché, ce sont les restaurants qui s’y cachent tout autour et qui accepteront gentiment de cuisiner tout ce que vous voudrez bien leur apporter.
Choisir un poisson encore vivant, l’amener cinq mètres plus loin pour le manger dix minutes plus tard… Difficile de faire plus frais.
Aidés par nos deux nouveaux amis coréens, Bora et Kaden, nous avons donc fait nos emplettes, les yeux radicalement plus gros que nos ventres, puis nous avons amené notre butin quelque part derrière…
Pour commencer, nous devions nous essayer au fameux sannakji ou poulpe « vivant »… en réalité le poulpe est bien mort, puisqu’il a été découpé en milles tentacules, mais comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus, mort ou pas, le céphalopode a la gigote ! Il faut donc prendre son courage à deux mains pour choper une patte, la tremper dans un peu de sauce soja et de wasabi, et danser le twist avec ce prétendant. Ça ventouse la joue, ça croque sous la dent, ça n’a pas vraiment de goût. Les coréens apprécient particulièrement les textures qui ont du répondant, et contrairement aux occidentaux qui ont tendance à privilégier la tendreté et la fibre, ils n’ont aucun mal avec le cartilagineux et le caoutchouteux. Cette différence est très « palpable » avec ce poulpe, qui, une fois l’adrénaline passée, ne m’a pas paru présenter un très grand intérêt.
Le meongge est une autre bizarrerie pour nos yeux ronds. Parfois appelé ananas de mer, il présente l’avantage d’être très moelleux et délicat. En bouche ce sont les saveurs de la mer qui dominent, de l’iode, du salé, mais pas d’ananas en vue.
Poursuivons avec le « plat de résistance » : le hoé. Contrairement au sashimi japonais, le hoé (qu’on trouve parfois écrit hwe) est le plus souvent réalisé à partir de poisson blanc (ici un « cardeau hirame », poisson plat ressemblant à une grosse sole). Mais la principale différence vient surtout du fait que, comme son complice le poulpe, il est servi le plus rapidement possible après abattage. Au marché, tout comme dans de nombreux restaurants, il y a donc de grands aquariums où les poissons attendent l’heure du glas.
En France on a tendance à croire que plus le poisson est « frais » meilleur il sera (surtout s’il est consommé cru). Cependant les maîtres sushi ont compris depuis longtemps qu’une période de maturation peut permettre à certains poissons de s’attendrir, et à leur goût de se développer. C’est ici flagrant avec ce hoé qui nécessitait une mastication entrainée, et qui résonnait sous la dent. Le plonger dans la même sauce soja et wasabi, ou dans du gochujang, lui remontait le moral pour en faire un plat loin d’être désagréable, mais beaucoup moins sensuel qu’un sashimi.
Les fruits de mer cuits mettaient également en avant la préférence coréenne pour les consistances coriaces. Ces moules géantes, illustraient bien le phénomène : savoureuses, légèrement lactées avec un arrière goût de foie sympathique, mais caoutchouteuses comme un pneumastique.
Passons donc sur les quelques spécimens ci-dessus qui avaient tous conversé un peu trop longtemps au coin du feu, et ne conservaient plus grand chose de l’univers humide d’où ils originaient.
Pour clore ce repas, on nous apporta un bouillon réalisé avec la tête et les arrêtes de notre cardeau hirame, diverses belles plantes… et du gochugaru, piment en poudre. Il est ici amusant à noter que Kaden n’aime pas la nourriture pimentée. Il goûta donc cette soupe et nous assura qu’elle était très douce, suite à quoi j’en bus une gorgée en dissimulant tant bien que mal ma toux et les gouttes de sueur sur mon front, et pour finir Mme. Tilash s’essaya à cette popote à peine pimentée et sa langue s’enflamma instantanément ! Au cours du séjour, nous avons accoutumé notre palais au piment, et j’imagine qu’effectivement, cette soupe, par ailleurs savoureuse, n’était « pas très » piquante… j’imagine…
Malgré les apparences, le bilan de cette soirée est positif. J’ai vécu une expérience unique propre à ce marché, j’ai découvert des plats typiques coréens que je ne connaissais pas, j’ai ouvert mon palais à un nouvel horizon de textures, et surtout j’ai passé un excellent moment en très bonne compagnie. Un grand merci à eux pour ce repas enrichissant.
Noryangjin (노량진)
688, Nodeul-ro, Dongjak-gu
Séoul, Corée du SudOuvert tous les jours, de 1h30 à 22h.
Difficile d’évaluer le prix exact de ce dîner, car nous avons acheté différents poissons et fruits de mer à différents vendeurs… mais je pense qu’on s’en ai tiré pour 20€ environ par personne, cuisson comprise.
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