Pierre Sang on Gambey

Que dire ? Par où commencer ? Comment faire une critique de cette soirée magique ?

Chez Pierre Sang on Gambey, tout comme à son autre restaurant Pierre Sang in Oberkampf, le chef Pierre Sang Boyer propose à ses convives de déguster chaque plat sans prendre connaissance au préalable de sa composition. Une fois l’assiette vidée, saucée, léchée, le serveur (ou dans notre cas, la serveuse) nous demande de deviner la liste des ingrédients.

Ce petit tour de passe-passe, qui amusera le bourgeois et ravira les fans d’émissions de télé-réalité culinaire, cache en réalité un stratagème machiavélique poussant le mangeur à se concentrer sur ce qu’il ingurgite. On hume, on fait travailler son palais, on ferme les yeux, on médite, on cherche, on se plonge corps et âme dans notre repas.

Pain
Avant de commencer l’énumération des mets qui ont constitué mon dîner, j’aimerais vous parler de ce morceau alvéolé de gluten, de sel, de levain, bref ce qu’on appelle par chez nous le pain. Ce pain, donc, était, et je pèse mes mots, parfait. Mie crémeuse, légèrement acidulée, à la bonne proportion de vide et de plein, enveloppée d’une croûte cassante, au caractère affirmé mais subtil. Renseignement pris : c’est le Comptoir Gana, boulangerie de la rue Oberkampf, qui fournit le restaurant. Bon choix, très très bon choix.

Velouté de carottes et gingembre, moules, couteaux, sésame, écume de coquillages, grenade, pousses de shiso
Équilibre, nuances, délicatesse… Silence… Mmmmmmh…

Maigre, crème d’asperge au yuzu, œufs de poisson volant, céleri, ail confit, anis, salicorne
Si je n’avais pas observé une bonne vingtaine de dîneurs autour de mois ce soir là, j’aurais été persuadé que le chef m’écrivait une lettre d’amour… rien que pour moi.

Tartare de veau, crème d’anchois et sésame noir, roquette, crumble de parmesan, pesto, jeunes pousses de basilic, câpres
Seule grosse erreur de la soirée dans le jeu des devinettes : j’ai cru que le tartare était du thon, honte à moi ! Pour le reste, je dois dire humblement que jusque là mon score était tout à fait honorable.
Comment ? Que je vous parle du plat ? Oui, bon, bah, c’était réussi : des textures, des saveurs, de la mesure. Vous n’avez pas encore compris ? Ce dîner fut exécuté avec maestria et brio, chaque plat était d’une harmonie à faire pâlir un orchestre symphonique, ma moustache scrupuleuse n’a rien trouvé à titiller !

Onglet Wagyu, ssamjang, chips de racine de lotus, pousses de moutarde, chou chinois, brocoletti
Petit à petit, les douceurs complexes se transforment en électricité sophistiquée. Tout d’abord cette pièce de viande qu’on ne présente plus, tendre comme une betterave cuite à l’eau, et au gras parfumé et intense. Cette lourdeur bestiale fut parfaitement contrastée par le ssamjang ((sauce coréenne, à base de gochujang (pâte de piment), doenjang (pâte de soja fermenté), oignon, ail…)), ici particulièrement acide, et par l’amertume des touches vertes. Les chips de racine de lotus apportaient le croustillant nécessaire à l’électrocution totale.

Cantal, raisins cuits dans du Coteaux-du-Layon
Bon, on ne va pas en faire tout un fromage, mais s’il faut parler d’un petit bémol ce soir, ce fut ce Cantal. Resté à température ambiante un peu trop longtemps, il suintait légèrement et ne se faisait pas énormément courtiser par la petite confiture, somme toute sympathique.

Gâteau à la pistache, glace au yaourt et amandes, pistaches caramélisées, crème de pistache, fruits rouges
Et pour finir, cette danse entre les multiples saveurs terreuses et grasses de la pistache, et l’acidité légère des fruits rouges. Le tout sous le regard bienveillant de la glace, sage parmi les sages, qui guidait le pas…

Lorsque Mme Tilash me proposa à la fin du repas de m’offrir le livre de recettes du chef Sang Boyer, je me retrouvai écolière de douze ans à qui l’on offre le dernier disque de son idole… Ma barbe remplaçait certes les couettes, mais pour le reste, il n’y avait pas de grande différence.

Monsieur Sang Boyer… je… j’ai bien eu votre lettre… je… moi aussi… je vous aime…

Pierre Sang on Gambey
6 rue Gambey
75011 Paris, France
Tél. : 09 67 31 96 80
www.pierresangboyer.com

Ouvert du mardi au samedi, de 12h à 15h, puis services à 19h30 et 21h45.

Ce soir, le prix du menu fut de 49€ par personne (sans vin).