L’avant-comptoir
mi-figue, mi-raisin, mais avec des couilles
Pour tout vous dire, je suis bien embêté.
Je m’apprête à écrire une critique plutôt négative au sujet d’un déjeuner que j’ai plutôt apprécié. Je ne pense pas être le premier à tomber dans ce genre de faille gusto-temporelle, mais vous comprendrez tout de même que j’en sois troublé.
L’avant-comptoir est le bar à hors d’œuvres situé juste à côté du Comptoir du Relais, le fameux bistrot du chef Camdeborde. On y sert des petites bouchées, des sandwichs, de la charcuterie, et aussi des crêpes à emporter. C’est pas cher, et c’est bon. Alors où est le problème ?
Dans ce micro-bar où l’on reste debout et on partage la sueur estivale avec son voisin, j’ai choisi de goûter aux produits bruts, c’est à dire aux charcuteries et au fromage, servis sur des planches en bois, à manger avec les doigts. Un truc de mec quoi.
Dans la carte, les noms des producteurs prennent beaucoup de place : Eric Ospital, Eric Delgado, Philippe Camdeborde sont les ministres du bon sauciflard fait avec amour.
Le jambon Ibaïona d’Eric Ospital est de ces jambons qui vous font vous demander si manger de la viande d’une quelconque autre manière est vraiment nécessaire. Noisette, umami intense, chaque tranche filiforme contenait plus de saveur qu’un rôti. Oui mais voilà, au bout de la deuxième, puis de la troisième bouchée, on se rue sur son verre d’eau pour chasser la salaison (et c’est le cas de le dire). Je ne peux qu’être triste devant ce constat, mais ce jambon dont on parle dans toute la presse culinaire, est trop salé. Impossible également de ne pas être tenté de le comparer à certains jamón ibérico pata negra d’Espagne, aux parfums résolument plus complexes…
Dans le magazine Grand Seigneur (n°5 – p.92), Yves Camdeborde affirme : « C’est comme le jambon : le serrano d’Espagne est peut-être meilleur, mais c’est notre devoir de mettre en avant les produits français qu’on aime comme les charcuteries d’Eric Ospital à Hasparren. » C’est tout à son honneur de vouloir défendre nos artisans nationaux (quoique dit comme ça, ce n’est pas très sympathique pour son ami Ospital), mais malheureusement à force de crier cocorico, ce jambon s’assèche un peu trop le gosier, et le notre avec.
On poursuit avec le chorizo du même Eric, un peu moins salé lui, mais un peu plus banal aussi. Bien sûr, on parle tout de même de haute qualité, et si je me permets un bémol c’est encore une fois en comparaison avec certains produits ibériques qui chantent comme des sirènes alors que celui-ci se contente de fredonner juste.
Le boudin béarnais de Philippe Camdeborde était lui très suave et agréable. Ne jouant pas dans le même registre sodique que ses compatriotes basques, il était forcément un peu mis à l’écart de la danse et mériterait une planche rien que pour lui.
Dans cet environnement viandard et cochon (au sens culinaire du terme, bien sûr), le fromage de brebis basque fut paradoxalement ce que j’ai préféré. Pour le mariage subtil d’un caractère à la fois tranchant et doux, mais surtout pour la confiture de cerises noires avec laquelle il était servi, et qui apportait un magnifique contrepoint sucré, acide et fruité.
Bien que largement repu, je ne pouvais partir de là sans essayer une douceur, et particulièrement un riz au lait, souvent exécuté avec brio dans les restaurants bistronomiques dont Camdeborde a été le chef de file. Malheureusement, le riz était servi trop froid, la crème était trop aqueuse, et le tout manquait un peu de saveur (hormis la touche de caramel bienvenue), ce fut donc une réelle déception.
Comment accumuler tous ces points négatifs et malgré tout sortir victorieux d’un déjeuner réussi ? Peut-être parce qu’à ce prix là, et surtout dans ce quartier là, c’est miraculeux de proposer une telle qualité. Peut-être aussi parce qu’inconsciemment je sais bien qu’on ne peut pas demander à tous les jambons d’être les meilleurs du monde, et qu’une place sur le podium c’est déjà pas mal. Ou peut-être parce qu’à force de goûter à des bonnes choses, de les analyser, mon cerveau finit par trouver des détails pointilleux, des taches noires microscopiques, mais qu’au fond, mon estomac lui, s’est franchement bien régalé !
L’avant-comptoir
3 Carrefour de l’Odéon
75006 Paris, France
Tél. : 01 44 27 07 97
www.hotel-paris-relais-saint-germain.comOuvert tous les jours de 12h à 23h.
Ce midi, le plateau de 3 charcuteries fut à 9€, le fromage à 5€ et le riz au lait à 3,50€, soit un total de 17,50€ (mais vous n’êtes pas obligé de vous goinfrer comme moi).
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