Grillé
kebab haute définition
Kebab, Gyros, Döner, Chawarma, ou encore « Grec », cette viande entassée sur une broche verticale, tournant sur elle-même pour faire bronzette en s’enduisant de sa propre graisse dégoulinante est un véritable caméléon lexical. Mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, n’est-ce pas ?
Grillé a fait son apparition à Paris l’année dernière, avec la vocation de donné un petit coup de polish au sandwich kebab turc que l’on trouve à tous les coins de rue.
Veau, agneau et cochon de chez Hugo Desnoyer (boucher de son métier, star de sa réputation), des légumes et des herbes de chez Annie Bertin (maraîchère qui fournit, entre autres, Michel Bras, l’Astrance ou encore Olivier Roellinger), du pain bio maison à la farine de blé et d’épeautre, le tout sous la direction d’un certain Fédéric Peneau que l’on a connu au Chateaubriand, aux côtés d’Inaki Aizpitarte.
Un casting d’enfer pour cette petite échoppe à l’ambition non-dissimulée. Mais le générique a beau être interminable, jugeons de la qualité de la réalisation.
La viande est bonne, très bonne, moelleuse et bien grillée, légèrement grasse (heureusement !), mais surtout elle a un véritable goût de döner kebab. J’avais peur de me trouver face à quelque chose de bon mais sans rapport avec le grec-frites de ma période estudiantine, mais non, j’ai bien retrouvé les saveurs particulières de cette viande gentiment rôtie à la broche. L’âme du sandwich est donc bien là, par contre Grillé se permet plus de liberté avec les condiments… La viande est tout d’abord aspergée d’une goutte citronnée, puis vous choisissez entre la sauce blanche (fromage blanc, raifort) ou verte (tomates vertes, piment vert, oignon doux) ; j’ai opté pour la première. Tout ce petit monde s’installe confortablement sur un lit de salade, d’olives, de citrons confits et quelques herbes aromatiques. Que des choix salés et acidulés, des saveurs aiguisées pour réveiller chaque bouchée et alléger ce sandwich généralement plutôt patachon. Mais ce qui m’a le plus impressionné c’est le pain, aérien et discret, il laisse le cœur du kebab s’exprimer librement sans venir nous étouffer.
Les frites, quant à elles, sont assez décevantes. Pas mauvaises, mais leur second rôle sans grande inspiration ne sera certainement pas nominé aux Césars…
Grillé offre donc un Kebab, Gyros, Döner, Chawarma, ou encore « Grec », de grande qualité : il se mange facilement, est bien équilibré et ne vous donnera pas cette sensation, si familière, d’avoir mangé un bœuf tout le restant de la journée. Cependant, il y a un « mais »… Car à 8,50€ le sandwich et 3€ les frites, soit environ deux fois plus cher que n’importe quel kebab de coin de rue, on peut se demander si la différence de prix est véritablement justifiée (et je ne parle pas des boissons aux tarifs insultants)…
Deux jours plus tard…
Ne pouvant pas laisser cette question existentielle en suspend, j’ai pris mon courage à deux mains, battu le fer tant qu’il était encore chaud, et certainement accompli quelques autres proverbes sur le passage, pour déguster un « kebab de coin de rue » !
Tous les traiteurs turcs de quartier ne se valent pas, il est donc difficile de généraliser, mais j’ai eu la chance d’être plutôt bien tombé, car celui-ci était loin d’être aussi vil que certains spécimens restés dans la mémoire de mon estomac. La comparaison me parait donc honnête et justifiée.
La viande n’est pas mal : plus sèche, un peu moins parfumée et moins tendre que celle de Grillé, mais la différence n’est franchement pas flagrante.
Le pain est dense, mais passé une minute dans la presse à panini lui a insufflé un peu de vie.
Les sauces par contre sont catastrophiques… la sauce blanche est lourde et pâteuse, et la harissa semble sortie de l’arrière-cour d’un bordel clandestin… (son côté à la fois musqué et fleur d’oranger…)
Les frites, enfin, congelées, pas assez cuites, mais pas non plus crues, n’étaient pas trop grasses, et se laissaient manger, mais bien que je n’ai pas été enchanté par celles de Grillé, on peut difficilement comparer de vraies frites de pommes de terre, à leurs homologues surgelées.
Il est évident que ce kebab était inférieur, mais était-il « deux fois inférieur » ? Il n’y a pas que l’aspect gustatif qui détermine la qualité d’un plat, et je ne peux ignorer les multiples points d’interrogations qui flottent au dessus du kebab de coin de rue. D’où vient la viande ? Est-ce que la bête a vu le soleil, respiré un peu d’air pur ? Et les salades-tomates-oignons, viennent-ils de l’autre bout de la planète ? Qui les a cultivés ? Et qu’y a-t-il au juste dans ces sauces ?
Que de la viande extraite d’une bête qui a du être élevée, nourrie, puis abattue, découpée, livrée, puis transformée, préparée avec des légumes qui ont du être cultivés, transportés (probablement d’un autre pays) ; que tout ceci puisse couter 5€ n’est pas normal. Alors oui ça dépanne quand on est étudiant, ou quand il est tard et que tous les restaurants sont fermés, oui tout le monde doit pouvoir se nourrir et l’accès à de la protéine animale ne doit pas être réservée qu’à des costards-cravates.
Chacun est libre de choisir ce qu’il accepte ou non de manger. Personnellement, je me suis très bien porté ces quelques années, sans « grec-frites ». Je continuerai donc sur cette lancée, et lorsque l’envie irrépressible d’une viande grillée à la broche sous forme de sandwich gourmand, et un peu culpabilisant, me prendra ; je sortirai les biffetons, et j’irai me coltiner un kebab chez Grillé.
Grillé
15 Rue Saint-Augustin
75002 Paris, France
Tél. : 01 42 96 10 64
www.grille-paris.frOuvert du lundi au vendredi de 12h à 15h.
Ce midi, le prix du kebab-frites, sans boisson, fut de 11,50€.
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