Neva cuisine
style et substance
Neva cuisine fait parti de cette nouvelle vague de bistrots préférant une cuisine légère, mettant en avant les légumes, proposant une cuisine française bistronomique avec des frontières volontairement floues.
Ça c’est sur le papier.
En réalité, le bistrot il est plutôt loin… autant dans l’assiette que sur l’addition, la précision du scalpel ne trompe pas. À vue de nez, je dirais même que la chef Beatriz Gonzales a des rêves d’étoiles…
Brandade de cabillaud
En guise d’amuse-bouche, cette brandade de cabillaud, tiède, légère mais un peu quelconque. Au lieu de nous donner un coup de fouet pour nous positionner sur les starting-blocks du repas, cette bouchée nous a chantonné une berceuse.
Poulpe à la plancha – céleri / concombre / Yuzu de Kochi
Avouez que c’est beau. On dirait de l’ikebana, en plus généreux, en moins zen. C’est dangereux de servir un plat esthétiquement aussi baroque, car si la langue ne s’émerveille pas autant que les yeux, le ridicule risque de balayer tous les efforts du jardinier… Ce ne fut clairement pas le cas ici ! Le poulpe aurait peut-être pu être plus tendre mais c’est le seul défaut que j’ai trouvé à cette entrée magistralement équilibrée. Le guacamole onctueux et électrique fouettait le céphalopode assaisonné avec entrain, le tout porté par les végétaux apportant texture et douceur herbacée.
Un plat mémorable.
Ris de veau crousti-fondant – céleri rôti au cidre / pommes Granny Smith / jus de viande
En revanche pour le plat principal, ça se gâte. Si le ris de veau était fondant, il aurait pu être un peu plus « crousti ». Mais surtout, il était inerte et manquait cruellement de sel. Le céleri rôti était agréable, mais trop subtil pour faire face aux colonnes de Granny Smith remplies d’une sauce parmesan, citron, citronnelle… Ce goût de cheesecake écœurant poignardait dans le dos le pauvre ris de veau, et achevait cette assiette à la construction gustative bancale.
1000 feuilles / vanille de Tahiti / caramel fleur de sel / cacahuètes
Ce mille-feuilles, il faut le mériter. Premièrement, il est à partager, il faut donc réussir à convaincre votre compagnon du soir. Ensuite, il doit être commandé en début de repas, vous n’aurez donc pas la soirée, et l’aide discrète de l’éthanol, pour vous aider dans votre mission politique… Il faut être subtil et sournois, ne pas hésiter à regarder votre compère avec des yeux de cocker si celui-ci tangue du côté de la « fraise gariguette », et boum, on commande : « Un mille-feuilles pour deux, merci. »
Quelques protéines et légumes plus tard… On nous amène à chacun une assiette peinte d’un coup de pinceau de caramel. Puis, au centre de la table est disposé ce magnifique mille-feuilles à la mode (posé sur la tranche), ensuite, démerdez-vous ! On le coupe en deux (en essayant d’être fair-play), on glisse sa part sur le caramel, et on plonge la fourchette. Un feuilletage comme celui-là, je crois bien ne pas en avoir croisé souvent dans ma vie. D’une évanescence friable à faire pleurer un nounours, au goût biscuité admirablement contrasté de la crème chantilly à la vanille, suave et aérienne. Les cacahuètes n’apportent pas grand chose, mais ne gênent personne, et le caramel à point ramène un peu de sucré et d’aigus. Le tout se déguste comme un flirt, et on rougit de timidité.
Panna cotta et chou feuilleté
On se serait bien arrêté là, mais avec la demande de l’addition viennent deux petites bouchées supplémentaires. Une panna cotta à la texture réussie, avec un coulis de crème de cassis et cannelle rappelant étrangement certains sirops pour la toux de mon enfance, mais pas désagréable pour autant. Et un chou feuilleté avec de la confiture d’abricot, sympathique.
Le cardiogramme s’excite, des hauts, des bas, ça oscille nerveusement, on aurait aimé que tout décolle, mais face à une cuisine créative ne doit-on pas accepter quelques risques de dégringolade ? Je fais parti de ceux qui acceptent, et qui sont même avides de ce genre d’expérience. Je fais parti de ceux qui admirent les chefs comme Beatriz Gonzales, et je suis ravi d’avoir pu palper de mes papilles ce poulpe et ce mille-feuilles, même si j’ai du passer par des mets moins réussis. Pour moi, le jeu en vaut la chandelle.
Neva cuisine
2 Rue de Berne
75008 Paris, France
Tél. : 01 45 22 18 91Ouvert du lundi au vendredi, de 12h30 à 14h puis de 19h à 22h.
Menu entrée, plat, dessert à 42€ (+5€ pour le ris de veau).
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